Octobre 2017

Ce matin, Alex avait une course à faire. Il s’était rendu à son carrosse, calcul fait de la dernière prise d’éléments prohibés afin d’être en règle, afin de de pouvoir parfaire à sa besogne. Que nenni ! Des malotrus avaient visité son attelage. Malgré la fermeture automatique des ouvertures, un défaut ne permettait pas à l’entrée arrière gauche de se fermer. Voilà par où ces chenapans étaient passés. Un oubli de vérification basique… Il n’y avait rien à prendre de valeur dans le véhicule donc il n’y avait aucune raison de paniquer. Après constatation des dégâts qui étaient ridicules, Alex avait tenté de démarrer ce qui fût impossible. Ces galopins avaient vidé la base de l’énergie de la charrette. Alex ne savait que faire. Pfff ! Porter plainte pour vol d’électrons et de protons ? De plus, ces garnements avaient pris les neutrons ! AAAAHHHH !... Sérieusement, il fallait soit recharger, soit acheter. Alex avait préféré rentrer et attendre le début de semaine suivante pour régler le problème. Il n’y avait rien d’urgent.

Le reste de la journée fut remarquable pour sa longueur… Alex n’avait rien fait d’autre, hors sortie rapide en matinée, que de penser, réfléchir, ruminer, se torturer l’esprit, le laisser errer à ses divagations. Il fallait qu’il prenne des décisions les jours à venir pour optimiser les tâches qu’il allait confier à ses pious-pious. L’objectif était de maximiser son équipe. Afin de faire le bien, il souhaitait donner du boulot à un maximum de personnes. Il avait, au fil des semaines, éliminé les maillons faibles et conservé les plus performants et les plus motivés. L’ancien Baron avait été félicité par le seul supérieur hiérarchique à qui il devait rendre des comptes pour son organisation, son attitude et sa maîtrise à apporter la paix et la sérénité là où il évoluait. Il faut dire que pour Alex, la mission actuelle était simple. Gérer une dizaine de personnes était chose aisée et faire en sorte que les quelques dizaines de sous-traitants suivent les règles n’était que formalité. De manière générale, il y a toujours des exceptions, son équipe l’appréciait, les sous-traitants aussi et ses collègues des comptoirs également. En tout cas, les relations étaient sympathiques, voire amicales avec certaines personnes et Alex était satisfait de cette ambiance même si quelquefois il y avait à redire sur certains points. Un équilibre, certes fragile, avait été trouvé permettant de travailler avec pragmatisme, sans stress et énervement même quand les situations devenaient compliquées. Au moins, niveau professionnel, Alex avait un jeu sympathique entre les mains il n’y avait plus qu’à attendre les opportunités pour abattre les cartes.

Il était temps de poser la plume, Alex était entouré de papiers pleins d’idées. Il repensait à elle. Ismise lui manquait. Le temps ne faisait rien à l’affaire, elle était dans son esprit jour après jour. Il souffrait encore chaque jour. Les larmes était son quotidien, la souffrance son calvaire. Il l’aimait.

La journée était terminée. Comme souvent, il avait quitté un quart d’heure plus tôt ses activités rémunérées. De toute façon, qu’il termine à l’heure ou pas, Alex serait rétribué de la même manière. Il n’avait pas fait grand-chose de sa journée. Quelquefois, il était payé à « ne rien faire » ce qui compensait les périodes de grosses activités. Il avait profité du calme journalier pour prendre le temps de régler les comptes avec le fournisseur de « noir » et pour dépanner un de ses pious-pious sans en tirer aucun bénéfice, règle qu’il s’était toujours fixé et qu’il tenait à appliquer encore aujourd’hui malgré ses errements. Il ne pouvait franchir cette ligne de moralité. Si à chaque dépannage depuis le début de sa vie, Alex avait pris un bénéfice, il aurait un paquet d’écus de côté. L’honnêteté et la moralité ne payent pas.

Alex était posé, il pensait à Ismise en pleurant comme toujours. Il était encore triste, perdu. Elle lui manquait tant. Il ‘aimait.

La semaine avait été chargée. Alex cherchait son remplaçant ce qui n’était pas aisé. Trouver quelqu’un capable de manager et organiser une équipe comme la sienne dans une activité comme celle qui était la leur, et au prix payé au niveau minimal, était difficile. De plus, ce poste demandait de gérer la sous-traitance, les prestataires sans oublier la gestion administrative et les clients. Heureusement, il n’y avait pas la gestion des bénéficiaires. Cela regardait les commerciaux, c’est-à-dire les menteurs hypocrites. Cependant, Alex appréciait le commercial attribué à son agence qui avait une morale ce qui est rare. Parmi les pious-pious aucun n’était en mesure de progresser à la fonction d’Alex malheureusement. Alex en avait marre de s’épuiser dans et à moins d’une vraie progression de poste, il avait décidé de ne plus faire d’effort pour chercher. De plus, il n’était pas à plaindre, son poste était cool. Les rares fois où on avait essayé de lui mettre la pression, passage obligé dans une boite internationale, il n’en n’avait pas pris rigueur et s’en était protégé. Alex n’avait rien à perdre, tout ce qui comptait pour lui, Alex l’avait déjà perdu. En tout cas, viendrait ce qui viendra, Alex n’avait rien à perdre et du fait, aucune raison de s’inquiéter.

Hier, il avait vu son ascendant de passage dans les montagnes. Il avait profité de l’occasion pour alimenter les anatidés avec le Roi et la Princesse sur les hauteurs. Les trois générations avaient affrontés le froid pour cette balade plaisante. Bien que présent physiquement, Alex avait été absent mentalement. On lui avait fait remarquer. Alex avait pourtant fait des efforts mais il ne pouvait pas sourire à la demande, ou bien un faux sourire. Les pensées d’Alex, Ismise, l’amour qu’il lui porte, prenaient toujours le dessus. Ce n’est pas parce que Alex avait une situation et que sexuellement il avait trouvé un équilibre qu’il était heureux. Ça commence toujours simplement puis il faut dire « je t’aime » et là Alex se retrouve devant une impasse… « Non, je n’aime plus. » Celle que j’aime m’a poignardé et les plaies restent béantes. Alex savait que toutes les femmes n’étaient pas des traîtres mais il ne voulait pas projeter le passé sur son présent et futur. Au moins, ces mois passés lui ont appris qu’il pouvait être enviable. Alex avait aimé Ismise, et il l’aimait toujours, c’est un fait. Demander à un viscéral d’oublier est impossible. Gérer le travail pour Alex était facile, le sexe était gérable également. Par contre les sentiments étaient ingérables. Alex avait arrêté de vivre le présent depuis qu’Ismise n’était plus là. Elle lui manquait tant.